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pascal boniface - Page 2

  • Le CRIF, un lobby ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article que Pascal Boniface a consacré au CRIF et à son rôle de lobby à l'occasion de la sortie du livre de Samuel Gilhes-Meilhac, Le CRIF - De la résistance à la tentation du lobby.

     

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    Le CRIF, un lobby?

    Le CRIF est devenu un acteur central de la vie politique française. Son diner annuel est devenu l’un des évènements politico-médiatiques les plus courus, auquel assiste une très grande partie de la classe politique et qui réunit presque autant, voire plus, de ministres que le défilé du 14 juillet. Malgré cela, il fait l’objet de peu d’enquêtes, y compris dans les journaux, avides de révéler les dessous du et des pouvoirs. (cf. le nombre de couvertures que les news magazines consacrent chaque année aux francs-maçons !)

    Samuel Ghiles-Meilhac a réalisé sa thèse, sous la direction de Michel Wieviorka, sur l’histoire du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France). Il a eu accès aux archives du CRIF, à ses dirigeants. Il évite cependant le plaidoyer pro-domo et se montre parfois critique sans dépasser les limites de l’inacceptable pour l’institution qui l’a d’ailleurs invité à présenter son travail (Le CRIF, éditions Robert Laffont, janvier 2011, 356p).

    Ghiles-Meilhac retrace la création du CRIF pendant la résistance, ses débuts timides et fragiles, sa volonté initiale de montrer que le judaïsme français était déterminé à ne pas se laisser « entrainer à trop d’intimité avec Israël » (pour éviter les accusations de double allégeance). La rupture de 1967 ou la crainte de voir disparaître Israël, a conduit les juifs français à affirmer leur solidarité avec l’Etat Hébreu, affirmation renforcée par la rupture de De Gaulle avec Israël et la fierté d’une victoire militaire éclatante. Le CRIF cependant reste discret (le livre d’Harris et Sedouy « Juifs et Français » publié en 1979 ne le cite qu’une fois) et veut toujours éviter une confrontation publique avec les autorités françaises sur le Proche Orient.

    En 1976, pour bousculer les institutions, Henri Hadjenberg organise « les 12 heures pour Israël » où se pressent 100 000 personnes. Il attaque directement Giscard sur sa politique Proche Orientale et demande aux juifs de le sanctionner dans les urnes. Theo Klein prend la présidence du CRIF et veut le dynamiser Il crée le diner annuel en 1985 qui réunit 50 personnes. Le CRIF a de meilleurs rapports avec l’Elysée, Mitterrand est considéré comme judéophile, mais les efforts du CRIF pour empêcher la venue de Yasser Arafat en France en 1989 seront vains. Dans les années 90, le CRIF se fait l’artisan d’un rapprochement israélo arabe, soutient les accords d’Oslo, invite Leïla Shahid à son diner annuel et se sent soutenu nationalement dans son combat contre l’antisémitisme après l’affaire de la profanation du cimetière de Carpentras. Il ira même jusqu’à être en froid avec Netanyahou après l’arrivée au pouvoir de ce dernier en 1976. La reprise du conflit, les attentats du 11 septembre, l’augmentation des actes antisémites en France et l’élection d’un homme de droite décomplexé, Roger Cukierman, à la tête du CRIF vont changer la donne. Nicolas Sarkozy devient le héros du CRIF et ce dernier entend faire valoir ses vues publiquement et être entendu par les pouvoirs publics.

    À plusieurs reprises dans son ouvrage, Ghiles-Meilhac reproche au CRIF une attitude désormais trop suiviste à l’égard du gouvernement israélien et craint que cela l’isole et lui fasse perdre son influence. Il cite d’ailleurs les propos prémonitoires de Raymond Aron qui déclarait en1980, devant le Congrès Juif Mondial « Quel que soit le parti israélien (ou la coalition) au pouvoir, les représentants officiels des communautés soutiennent la politique du gouvernement israélien. Cette situation ne me paraît pas saine. Les juifs de la diaspora doivent avoir sur la diplomatie du gouvernement d’Israël, la même liberté de jugement que les citoyens d’Israël. »

    Il conclue son étude en se demandant si le CRIF est devenu un puissant lobby juif français. Il reconnaît que le terme « lobby juif » provoque des relations passionnées, rappelant les diatribes de l’extrême droite des années 30. Cependant Roger Cukierman lui déclarait lors d’un entretien en 2008 « le mot lobby ne me choque pas s’il s’agit d’utiliser des moyens légaux pour faire entendre notre voix, nous pouvons être un lobby. » Le terme, il est vrai, ne choque pas quand on l’emploie pour les fonctionnaires de l’industrie pharmaceutique, ou les agriculteurs. Peut-être serait-il temps de débattre de façon dépassionnée sur ce terme, ce que veut faire l’auteur. L’inverse n’est pas sain et loin de faire rempart contre l’antisémitisme, il peut au contraire le développer en accréditant la thèse d’un pouvoir tellement fort qu’on ne peut même pas l’évoquer.

    Ghiles –Meilhac, pour répondre à la question de la puissance du CRIF comme lobby, le compare aux institutions juives américaines (où le terme ne choque personne). Évidemment en terme de poids sur la détermination de la politique étrangère ou de moyens humains ou financiers, il n’y a pas de comparaison possible. Mais est-ce bien le bon paramètre, ou faut-il comparer le CRIF à d’autres institutions, non pas américaines mais françaises ? À ce titre, les 500 000 euros qui lui sont fournis chaque année par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, pour réaliser des études, constitue un budget conséquent. Ghiles–Meilhac estime que le CRIF a su se placer au centre des dispositifs de lutte contre l’antisémitisme. Il ne s’interroge pas sur ce que peut impliquer, à terme, cette sorte de délégation de pouvoir, ni sur la réalité du phénomène. Il ne cite d’ailleurs pas le livre très critique sur ce point de Guillaume Weil-Raynal, Une haine imaginaire, qui avait fortement déplu au CRIF.

    On aurait aimé plus de développement sur l’influence du CRIF sur la politique intérieure française. Pour l’auteur, le CRIF n’a pas réussi à peser sur la détermination de la politique extérieure française. Il cite pour exemple, le refus de satisfaire deux demandes du CRIF : faire entrer Israël dans la francophonie et accepter le transfert de la capitale à Jérusalem. On peut lui faire remarquer que même les États Unis ne reconnaissent pas un tel transfert. Si on peut lui accorder le fait que le rapprochement avec la Syrie et la réception de Kadhafi à Paris montrent les limites de l’influence du CRIF sur la politique étrangère française, on peut lui rappeler que Bernard Kouchner a publiquement reconnu que le changement de politique à l’égard de l’Iran était motivé par le désir de se rapprocher. Et si en effet le fait que Védrine ne prenne pas le Quai d’Orsay en 2007 n’était pas dû au veto que le CRIF y avait mis, cette intervention reste hors norme. Imagine-t-on quelle institution aurait pu émettre une telle demande sans déclencher un scandale ?

    De même, on peut regretter qu’il ne parle pas du trouble qu’a créé l’appel du ministère public dans l’affaire Halimi, ou les décisions de poursuivre en justice les militants qui préconisent le boycott de certains produits israéliens, deux décisions prises a la demande du CRIF. S’il évoque le cas du soldat Shalit, il ne parle pas de la différence de traitement avec le franco palestinien Salah Hamouri, moins soutenu par la France.

    Pascal Boniface (Le blog de Pascal Boniface, 21 avril 2011)

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  • Une démocratie en Egypte : Adler, BHL et Finkielkraut anxieux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pascal Boniface, tiré de son blog Affaires stratégiques, à propos de la révolution égyptienne et des mises en garde qui sont diffusées à son propos par certains intellectuels favorables à Israël...

     

     

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    Adler, BHL et Finkielkraut anxieux face à la perspective d’une Egypte démocratique

    Tout le monde devrait se réjouir de la contestation du régime répressif de Moubarak en Égypte. Mais la joie de voir la mise en place d'une véritable démocratie dans ce grand pays arabe est gâchée par une sombre perspective : la prise du pouvoir par les Frères Musulmans. Mais alors que The Economist qui n’est pas précisément un organe islamo-gauchiste se réjouit d’une révolte pacifique, populaire et séculière, trois des principaux intellectuels médiatiques français sont heureusement là pour mettre en garde les naïfs qui stupidement sont toujours prêts à applaudir à la chute des dictateurs.

    Dans le Figaro des 29 et 30 janvier, Alexandre Adler est le premier à tirer la sonnette d'alarme dans sa chronique intitulée « Vers une dictature intégriste au Caire ? » dans laquelle il qualifie au passage Mohamed El Baradei, l'une des figures de proue de l'opposition à Moubarak de « pervers polymorphe ».

    Alain Finkielkraut prend le relais dans Libération du 3 février. Il se demande si Mohamed El Baradei sera « l'homme de la transition démocratique ou l’idiot utile de l'islamisme » et doute de la possibilité de l'instauration d'un régime démocratique en Égypte à cause des Frères musulmans. Selon lui, il y avait une tradition démocratique en Europe de l’Est mais il doute qu’il y en ait une en Egypte. C’est faux et stupide à la fois. Seule la Tchécoslovaquie avait été une démocratie avant l’instauration du communisme en Europe de l’Est. Et il est curieux d’exiger le préalable d’une tradition démocratique pour une nation qui veut justement faire chuter une dictature. Dans Le Point (dont la couverture est sobrement intitulée « le spectre islamiste »), BHL avoue sa crainte de voir les fondamentalistes bénéficier de la chute de Moubarak avec la perspective d'une Égypte qui suivrait l'exemple iranien.

    Ces trois intellectuels relaient en fait les craintes israéliennes face au changement politique en Égypte. Ce qui est assez amusant c'est que les mêmes qui ont dénoncé pendant des lustres l'absence de régimes démocratiques dans le monde arabe s'inquiètent désormais de la possibilité qu'il en existe. Cela ferait tomber leur argument de « Israël la seule démocratie du Proche-Orient » qu'ils psalmodient. Mais surtout cela pourrait signifier la mise en place de régimes moins accommodants avec Israël. Or c’est leur principale pour ne pas dire unique préoccupation.

    Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'ils soient passés complètement à côté de la révolution tunisienne ; ils n'ont ni soutenu la révolte populaire comme ils ont pu le faire pour l'Iran, (la Tunisie n’est pas hostile à Israël donc on n’y soutient pas les revendications démocratiques) ni ne se sont inquiétés de ses conséquences comme ils le font pour l'Égypte (la Tunisie n’a pas un rôle clé au Proche Orient).

    Ils font un parallèle entre la mise en place d'un régime répressif islamiste en Iran après 1979 et ce qui pourrait se produire en Égypte. Comparaison n'est pas raison ; si le régime des mollahs a pu s’imposer en Iran, c'est en grande partie du fait des craintes d'interventions extérieures américaines (et du précédent Mossadegh) et face à l'agression à partir de 1980 de Saddam Hussein, à l'époque soutenu unanimement par le monde occidental. Le sentiment de menace extérieure a largement servi le régime iranien pour se maintenir en place. C'est d'ailleurs une règle générale qui ne vaut pas que pour l'Iran.

    Curieusement nos trois vedettes médiatiques qui s'inquiètent fortement de l'arrivée au pouvoir d'un mouvement intégriste religieux n'ont jamais rien dit contre le fait qu'en Israël un parti de de cette nature soit membre depuis longtemps de la coalition gouvernementale. Le parti Shass un parti extrémiste religieux (et raciste) est au pouvoir en Israël avec un autre parti d'extrême droite celui-ci laïc et tout aussi raciste, Israel Beiteinu. Ces deux partis alliés au Likoud essaient d'ailleurs de restreindre les libertés politiques et mettent une très forte pression sur les différentes O.N.G. de défense de droits de l'homme sans que nos trois intellectuels s'en émeuvent particulièrement.

    Les Frères musulmans peuvent-ils prendre seul le pouvoir ? C'est fortement improbable pour ne pas dire impossible. Un gouvernement auquel éventuellement participeraient les Frères musulmans pourrait lever le blocus sur Gaza. Il ne se lancerait pas dans une guerre contre Israël du fait du rapport de forces militaires largement favorable à Israël sans parler de l'appui stratégique américain. Ce qui pourrait se produire par contre, c'est qu’un autre gouvernement égyptien soit moins accommodant avec l'actuelle coalition de droite et d'extrême-droite au pouvoir en Israël. Mais est-ce si grave qu'un pays démocratique d'une part ait une politique indépendante et d’autre part ne laisse pas carte blanche à un gouvernement de droite et d'extrême-droite ?

    Les masques tombent. Nos trois intellectuels dénoncent un éventuel extrémisme en Egypte mais soutiennent celui au pouvoir en Israël. Ils critiquent l’absence de démocratie dans le monde arabe mais s’émeuvent dès qu’elle est en marche. Leur priorité n'est pas la démocratie mais la docilité à l'égard d'Israël, fut-il gouverné avec l'extrême droite.

    Pascal Boniface (Affaires stratégiques, 7 février 2011)

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  • Les snipers de la semaine (11)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog, Philippe Bilger mouche les provocateurs "officiels", façon Ardisson ;

    Thierry Ardisson ou les vrais provocateurs

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    - sur son blog, Pascal Boniface dézingue BHL et sa troupe d'affidés, réunis au café de Flore, pour les 20 ans de la revue La règle du jeu.

    BHL, la nuit du Flore : connivence des élites, mépris du public.

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  • Israël mobilise ses "amis"...

    Nous reproduisons ici un article de Pascal Boniface, publié sur le site de l'IRIS, consacré à l'opération d'influence que l'Etat d'Israël a décidé de mener, au cours du premier semestre de 2011, en direction des médias européens qu'il ne trouve pas assez favorables à sa politique...

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    Israël prêt à l’offensive médiatique pour 2011

    Un article paru sous la plume de Barak Ravid sur le site internet du journal Haaretz n'a peut-être pas reçu l'attention médiatique qu’il aurait pu (et du) mériter. Curieux car cet article parle justement d'une bataille médiatique à venir.

    Le ministre des Affaires Étrangères israélien Lieberman a en effet appelé les ambassades de son ministère en Europe à faire un usage extensif des experts en relations publiques. D'ici le 16 juin, les ambassades de Londres, Berlin, Rome, Madrid, Paris, La Haye, Oslo et Copenhague doivent préparer une liste de 1000 alliés qui seront régulièrement « briefés » par l'ambassade. Il s’agit de lancer une campagne de relations publiques et de défense et d’illustration de la politique israélienne. Ces « alliés » devront organiser des manifestations et réunions, publier des articles dans la presse. Le budget de relations publiques des ambassades dans ces capitales sera doublé l'an prochain dans cette optique. Parmi les personnes dont on recherchera le soutien, il y a des membres des communautés juives nationales, mais aussi des militants dans des organisations chrétiennes, des journalistes, des politiciens, des hommes politiques, des intellectuels, des experts et des militants dans des organisations étudiantes.

    Le ministère israélien des Affaires Étrangères fournira trois types de support à cette campagne :des messages politiques sur les positions israéliennes sur le processus de paix, les colonies, etc.(afin de montrer l’attachement d’Israël à la paix) des messages sur les positions israéliennes dans des secteurs aussi différents que la technologie, l'économie, le tourisme (pour valoriser la société israélienne et ne pas réduire l’évocation du pays au conflit israélo palestinien), et enfin des messages sur des développements politiques au Proche-Orient qui peuvent concerner les droits de l'homme en Iran ou en Syrie, la montée en puissance du Hezbollah au Liban (afin de montrer le caractère nocif des adversaires d’Israël). Chaque ambassade devra faire deux évaluations de la campagne l'an prochain et faire un rapport tous les trois mois sur le travail des amis en question.

    La curiosité, qui sera sans doute non satisfaite, pousserait à aimer connaître cette liste de 1000 « amis ». On observera tout de même avec intérêt certaines prises de positions à la lumière de cette information. Certains amis d’Israël sont bien connus et d’ailleurs affichent franchement et ouvertement leur position. D’autres se veulent plus discrets.

    On est en fait dans un cadre classique de stratégie d’influence que tout pays met en œuvre avec plus ou moins de bonheur selon le degré ressenti d’importance et le talent pour le faire. La France qui parle souvent de stratégie d’influence n’a jamais vraiment excellé dans cet exercice.

    Le fait qu’Israël veuille doubler son effort, montre que le gouvernement de ce pays est conscient que son message passe moins bien qu’auparavant.

    Quelle que soit l'efficacité de la communication d'Israël, son gouvernement est en train de perdre la bataille de l'opinion en Europe. Ce qu'il faut pour restaurer son image ce n'est pas un changement de communication mais de politique.

    Pascal Boniface (9 décembre 2010)

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